A 15 mètres sous terre, dans les caves troglodytiques du domaine de Rocheville, laissez-vous surprendre par un contenant d’élevage du vin pour le moins insolite. 

Plus moderne que l’amphore, plus original que la barrique, plus esthétique que la cuve inox, sa forme familière attise pourtant la curiosité des visiteurs car c’est… un œuf ! Un œuf en grès rempli de Saumur Champigny !

Qu’est-ce que l’élevage du vin ?

L’élevage du vin, également appelé maturation ou vieillissement, est une étape cruciale dans le processus de production qui intervient après la fermentation. L’objectif de l’élevage est d’apporter au vin une certaine complexité et du caractère en le laissant reposer pendant une période déterminée dans un contenant spécifique avant la mise en bouteille.

Comment se passe l’élevage du vin ?

Pendant cette période, le vin va évoluer grâce à différents processus physico-chimiques tels que l’oxygénation, l’évaporation et l’interaction avec les éléments du contenant. L’élevage permet également au vin de se stabiliser et de développer des arômes et des saveurs plus complexes.

L’élevage peut durer de quelques mois à quelques années selon le terroir, la couleur de la cuvée, le ou les cépages utilisés et le type de vin que le vigneron souhaite produire.

Dans quels contenants peut-on faire vieillir du vin ?

Dans ce domaine, les vignerons rivalisent d’imagination. Certes, le traditionnel tonneau et la cuve en inox sont bien connus pour le vieillissement du vin rouge comme du vin blanc, mais il existe aussi d’autres contenants plus insolites tels que les jarres en terre cuite, les amphores et les œufs en béton ou en céramique. 

Chaque méthode marque le vin d’une manière spécifique.

L’élevage du vin en fût de chêne

Fût et tonneau sont des termes génériques qui peuvent s’appliquer à différentes contenances, du “quartaut” de 56 litres au “demi-muid” (500 à 600 litres) en passant par la barrique bordelaise qui contient 225 litres.

Utilisée depuis des siècles pour transporter le vin par bateau, la barrique a été progressivement utilisée pour son vieillissement en raison de son influence sur la qualité et les arômes du vin. En effet, elle confère au précieux liquide des notes de vanille, de noix de coco, de grillé, de fumé, etc.

De plus, contrairement à la cuve inox, qui est parfaitement étanche, le bois est un matériau poreux qui permet une micro-oxygénation, c’est-à-dire une exposition lente et contrôlée du vin à l’oxygène, ce qui aide à stabiliser sa couleur et sa structure tannique.

Enfin, l’élevage du vin en tonneau peut également ralentir la maturation et développer une plus grande complexité aromatique et gustative.

Ainsi, la barrique produit des vins avec un bel équilibre, des tanins plus présents et qui se gardent généralement plus longtemps, comme notre Saumur-Champigny Le Fou du Roi 2014, qui a un potentiel de garde de 10 à 15 ans.

Saviez-vous que les chênes français utilisés en tonnellerie ont en moyenne 200 ans ?

Quelle patience il faut pour aller de l’arbre au tonneau !

L’élevage du vin en foudre

Un domaine viticole peut également choisir de faire vieillir son vin dans des barriques plus grandes, appelées foudres, dont la taille varie généralement entre 1000 et 10000 litres. Le Domaine de Rocheville possède 4 foudres en chêne de la forêt de Tronçais (Allier), d’une capacité de 30 hl chacun.

La grande taille d’un foudre réduit le contact entre le vin et le bois, offrant au vin des tannins plus discrets et bien équilibrés. De plus, il permet une oxygénation lente et contrôlée du vin pendant son élevage, ce qui favorise l’évolution des arômes et des saveurs.

Grâce à sa grande capacité de stockage, il assure une meilleure stabilité thermique du vin et par conséquent une fermentation plus régulière et une meilleure conservation.

Les foudres sont souvent utilisés pour l’élevage de vins haut de gamme, car ils leur apportent finesse et élégance. A Rocheville, c’est le cas de la cuvée Le Roi, en appellation Saumur Champigny, qui présente un bel équilibre entre des tanins fins et l’expression du terroir argilo-calcaire. 

Et quel plaisir pour l’œil !

L’élevage du vin en cuve inox

Modernes, durables et faciles d’entretien, les cuves en inox n’ont pas d’impact sur le goût ou l’arôme du vin. Elles sont parfaites pour exprimer la fraîcheur et la minéralité du terroir en association avec les arômes fruités des cépages.

De plus, les cuves thermo-régulées permettent une régulation précise de la température, ce qui est particulièrement important pendant la fermentation. Le viticulteur peut ainsi contrôler la vitesse de fermentation et préserver les arômes et la couleur du vin.

Les vins élevés en cuve inox peuvent également être mis en bouteille plus rapidement que ceux qui sont élevés en fût de chêne.

A Rocheville, ce sont les cuvées dans lesquelles on recherche la fraîcheur et la gourmandise, telles que Le Troubadour (AOP Saumur Rosé), Le Page (AOP Saumur Champigny) ou Le Prince (AOP Saumur Champigny).

L’élevage du vin en cuve béton

Alternative à la cuve inox, la cuve béton possède une porosité qui favorise une micro-oxygénation contrôlée du vin sans apporter de notes boisées.

Neutre en termes de goût et d’odeur, le béton préserve aussi le caractère naturel du vin et met en avant le terroir et le cépage.

Autre avantage, les cuves en béton sont plus faciles à nettoyer que les fûts en bois, ce qui réduit le risque de contamination bactérienne. Enfin, elles sont également plus durables et plus économiques à long terme.

Enfin, elles sont idéales pour les viticulteurs qui produisent de grands volumes. 

En somme, le choix du contenant d’élevage dépend du style de vin que le viticulteur souhaite produire et de ses préférences en termes d’arômes et de saveurs.

Des contenants plus insolites pour élever le vin

Les vignerons, on le sait, aiment faire des expériences pour améliorer leur vin ou créer des cuvées inédites. Ils leur arrive alors d’opter pour des méthodes originales, telles que l’élevage du vin en amphores, en Qvevri (jarre en terre cuite utilisée en Géorgie)  ou en même le vieillissement du vin en œufs de béton ou de grès, pour donner une touche unique à leur cuvée.

C’est dans cette optique que Philippe Porché et Jérôme Callet (Domaine de Rocheville) ont décidé, en décembre 2019, d’expérimenter les œufs en grès pour l’élevage d’un Saumur Champigny. Depuis, confortablement installés dans nos caves troglodytiques, ces contenants innovants étonnent et interrogent les curieux qui s’aventurent dans les galeries.

L’élevage du vin en oeuf de grès

D’où viennent les œufs de grès du Domaine de Rocheville ?

Elever un Saumur Champigny en œuf de grès, c’est une bonne idée. Mais où trouver les oeufs ?

La première difficulté a été de trouver des œufs fabriqués en France pour rester cohérent avec la philosophie éco-responsable du Domaine de Rocheville. 

Nos œufs proviennent donc d’une entreprise nommée Biopythos située près de Limoges, seul fabricant d’œufs de grès en France.

Bien que leur provenance puisse faire penser qu’ils sont en porcelaine, ce n’est pas le cas : nos œufs sont en grès. Chaque œuf peut contenir 225 litres de vin chacun, soit exactement la même quantité qu’une barrique bordelaise.

Qu’est-ce que le grès ? Quelle différence avec la porcelaine ?

A l’instar de la porcelaine, le grès est un matériau de la famille des céramiques, donc composé d’argile, que l’on peut cuire pour confectionner des objets.

Mais alors que la porcelaine, spécialité de Limoges, est composée d’un quart de feldspath, un quart de silice et une moitié de kaolin,  le grès, lui, est composé d’un quart de feldspath, un quart de silice, un quart d’argile et un quart de kaolin.

De plus, la porcelaine est cuite à 1290°C tandis que le grès peut être cuit à 1250°C, 1260°C ou 1280°C. La température de cuisson est importante car c’est elle qui détermine la porosité de l’œuf et donc l’oxygénation du vin.

Comment fabrique-t-on un œuf de grès ?

L’œuf de grès est obtenu par coulage, dans un moule ovoïde, d’un mélange de terres et d’eau, la barbotine. Mais cette forme est compliquée à travailler car la pâte molle tend à s’effondrer.

C’est pourquoi, si vous avez l’occasion de visiter les caves troglodytiques du Domaine de Rocheville, vous remarquerez que nos œufs ne sont pas jumeaux !

Les deux premiers, achetés en 2019, présentent de discrets bourrelets, comme de petites coutures, car le moule était alors composé de nombreuses petites strates.

Les 6 nouveaux, arrivés en 2023, sont plus réguliers car les moules ont été améliorés entre temps. Mis à part leur taille, qui évoque plus l’autruche que le canari, ils ressemblent vraiment, de forme et de couleur, à de très gros oeufs de poule !

Selon Fannie Reyt, commerciale chez Biopythos, une centaine de domaines français utilisent la forme œuf pour l’élevage de leurs vins, tous matériaux et toutes régions viticoles  confondus.

Les avantages d’élever du vin en œuf de grès

Les œufs de grès présentent plusieurs avantages, le principal étant leur forme. La forme ovoïdale entraîne la formation d’un vortex et ce courant interne favorise la micro-oxygénation naturelle du vin. 

Contrairement à la jarre qui donne des vins fruités, tendus et des tannins souples sur les rouges, l’œuf ramène en plus de la rondeur et du volume. En effet, il n’y a pas d’arête pour stopper le mouvement du vin.

Grâce à ce mouvement, les lies (les levures) sont toujours en suspension, assurant de meilleures conditions d’évolution et une meilleure stabilité dans le temps.

Le deuxième intérêt de l’œuf de grès, c’est sa longévité. Une barrique de chêne s’use en une dizaine d’années. Bien que leur prix soit plus élevé que celui d’un fût, si les œufs sont bien entretenus, ils sont toujours performants au bout de 50 ans ! 

Les œufs sont tout de même fragiles, il faut être précautionneux pour les manipuler sans les casser !

En ce qui concerne le résultat gustatif, l’élevage en œuf met en valeur le terroir et le caractère fruité du vin tout en assouplissant les tannins. Il lui apporte finesse, élégance et une texture veloutée, et souligne les arômes du cépage sans la marque du bois.

Notre vin issu d’un élevage en oeuf de grès

Pour remplir nos deux premiers oeufs, fin 2019, notre choix s’est porté sur un Saumur Champigny, parce qu’il est emblématique de notre production mais aussi parce que le vin rouge supporte mieux l’oxygénation que le blanc. 

L’installation des oeufs en cave

En ce qui concerne leur lieu d’installation, la cave troglodytique s’imposait car il fallait une pièce avec une bonne hygrométrie pour limiter la « part des anges » (l’évaporation naturelle du vin) qui est conséquente avec les œufs. 

Fort heureusement, le Val de Loire et le vignoble de Saumur regorgent de galeries creusées dans le coteau de tuffeau qui offrent au vin d’excellentes conditions de vieillissement. Les œufs ont donc été installés bien au calme dans l’obscurité des caves de Rocheville, sur un petit nid douillet de cailloux et à température constante. 

Toutes les conditions étaient réunies pour faire une cuvée réussie !

Une cuvée exclusive et numérotée

22 mois plus tard, toute l’équipe de Rocheville était impatiente de goûter son premier vin élevé en œuf de grès, une cuvée parcellaire nommée Les Hauts de Bourreau 2018. 

Pourquoi ce nom ? Notre cuvée “en oeuf” a été baptisée d’après la parcelle de vieilles vignes de cabernet franc dont elle est issue, sur le plateau de Parnay. Quant au millésime, 2018, c’est celui de notre dernière année de conversion à l’agriculture biologique.

Il s’agit d’une édition très limitée, avec seulement 524 bouteilles numérotées !

La dégustation des Hauts de Bourreau 2018

Le résultat a été à la hauteur de nos attentes !

Fruité, élégant, avec une étonnante texture veloutée et des notes finement épicées, le Saumur Champigny Les Hauts de Bourreau a tout pour plaire !

Il se déguste idéalement avec une viande blanche en sauce, un assortiment de fromages ou des tourtes salées comme une tourte aux chanterelles et aux trompettes-de-la-mort. 

Les gourmands l’aimeront aussi avec un rôti de veau ou de l’agneau.

Une nouvelle cuvée en œuf de grès à Rocheville

Fort de cette expérience concluante, le Domaine de Rocheville a agrandi la famille et acheté six nouveaux œufs de grès. 

En avril 2023, ils ont été installés dans une des galeries souterraines par Jérôme Callet, le maître de chai  de Rocheville et l’équipe de production. Le transport, le déballage, la descente en cave en ascenseur, le remplissage des œufs et des bondes destinées à éviter l’oxydation… chaque étape a demandé beaucoup de précautions.

Une partie de la cuvée de Saumur-Champigny Le Prince a d’ores et déjà commencé son élevage en œuf, et cette fois-ci il durera de 12 à 14 mois. L’autre partie de la cuvée est élevée en cuve inox pour être ensuite assemblée avec le vin vieilli en œuf.

Il faut encore s’armer de patience avant de pouvoir déguster ce beau millésime !